Arrêter les flammes et prendre ses responsabilités

L’Orchestre Philharmonique d’Israël à la Philharmonie

À la suite des évènements qui se sont déroulés lors du concert de l’Orchestre Philharmonique d’Israël à la Philharmonie de Paris le 6 novembre 2025, l’Observatoire de la liberté de création souhaite rappeler qu’il préconise, depuis sa création il y a plus de 20 ans, le débat plutôt que la censure ou l’autocensure. On ne s’en prend pas à des artistes en raison de leur nationalité. L’OLC l’affirme depuis sa création. Et l’entrave à la liberté de création et de diffusion des œuvres est un délit.

Le maintien de la programmation de l’Orchestre Philharmonique d’Israël, qui représente par définition son pays, le 6 novembre, par le conseil d’administration de la Philharmonie de Paris réuni le matin du concert, sous la double tutelle de l’État et de la ville de Paris, dans le contexte de guerre, de crimes de guerre et d’accusation de génocide, peut faire légitimement débat.

Dans ce contexte, affirmer que les artistes vont librement jouer et faire une prestation purement artistique ne suffit pas, étant précisé que l’orchestre en question a joué l’hymne Israélien en mars 2025 à San Francisco après qu’un débat a eu lieu dans la salle (le concert n’a d’ailleurs pas été interrompu). Cette programmation, dans ce contexte, est un acte politique dont il convient d’assumer la responsabilité. Ce qui suppose d’accepter que cette décision soit critiquée, et d’accompagner le débat qu’elle suscite.

De même que l’on ne doit pas traiter les œuvres de façon autoritaire, nous pensons qu’il faut entendre les contestations, qui relèvent d’un débat légitime dans une démocratie, et permettre une confrontation des idées et des positions. Un débat aurait permis d’éclairer la complexité de ce qui était en train de se jouer. Le silence institutionnel relève de l’affirmation péremptoire : ils doivent jouer et c’est de l’art. En face, s’est élevée une affirmation tout aussi péremptoire : ils ne doivent pas jouer et c’est de la politique.

C’est le rôle de l’État et des collectivités territoriales, c’est le rôle des institutions culturelles subventionnées : organiser le débat pour que chacun puisse s’écouter. C’est difficile ? Nous le savons. Mais c’est indispensable pour que les institutions culturelles puissent continuer à diffuser les œuvres des artistes dont les pays sont en conflit, et cela vaut, de façon générale, pour tout type de polémique autour des œuvres.

En l’espèce, cet orchestre a joué sans débat, sans prise de parole. Il était pourtant prévisible que la parole étouffée jaillirait sous forme violente et ce fut le cas, ce qu’unanimement nous condamnons.

Nous dénonçons la forme de l’intervention choisie par les manifestants : interrompre un concert, menacer la sécurité du public et des musiciens par l’utilisation de fumigènes. Nous dénonçons avec la même fermeté la violence physique de quelques spectateurs contre un manifestant, comme le montre une vidéo. Ces violences sont manifestement disproportionnées et doivent être pareillement sanctionnées.

Pour rappel, lorsque la question s’est posée de l’attitude à adopter concernant la programmation d’artistes russes, il a été affirmé, notamment par le ministère de la culture, que la déprogrammation doit rester l’exception et ne se justifier que pour les artistes ou formations artistiques dont les liens directs avec le gouvernement russe sont avérés et qui ont publiquement soutenu la guerre en Ukraine. Nous constatons que le ministère de la culture n’a rien affirmé de tel à propos des artistes israéliens, ce qui peut donner le sentiment d’un deux poids deux mesures corroboré par un contexte où la libre expression, et désormais la liberté académique, sur le conflit israélo-palestinien, sont régulièrement mises à mal.

En l’espèce, si l’Orchestre Philharmonique Israélien est un ambassadeur culturel de son pays, c’est un ambassadeur artistique. Aucune déclaration publique de ses représentants n’est un soutien aux exactions, crimes de guerre et violations des lois internationales commises par le gouvernement israélien et l’armée israélienne à Gaza et dans les territoires occupés.

Pourtant le risque de récupération n’était pas négligeable et, à cet égard, nous regrettons que l’orchestre ait pris l’initiative de jouer l’hymne Israélien en dernier rappel, en réaction aux tentatives de le faire taire. Ce faisant, les musiciens ont pris le risque que soit mise à mal la distinction qui les protège entre expression artistique autonome et déclaration politique.

Enfin, l’OLC tient à rappeler que, de façon générale et cela concerne toutes les formes d’expression artistique, depuis le 7 octobre 2023, des artistes palestinien.nes font l’objet de censures, de déprogrammations ou de menaces de censure, dans un silence général. Le soutien aux libertés de création et de diffusion des œuvres et à la liberté de programmation n’est pas à géométrie variable. Il est indivisible.

communiqué OLC 10 novembre 2025 Philharmonie OPITélécharger