[Tribune] Manifeste pour un débat éthique sur l’art

Tribune parue dans La Lettre du Musicien, le 10 juin 2025


https://lalettredumusicien.fr/article/tribune-manifeste-pour-un-debat-ethique-sur-lart-8794

L’Observatoire de la liberté de création publie quinze principes à suivre dans tout débat sur l’art. L’association invite les collectivités territoriales, les institutions culturelles, et toutes les organisations culturelles, à relayer ce manifeste et à l’afficher dans leurs lieux en affirmant qu’elles le respecteront.

1. L’expression est libre. C’est un principe démocratique essentiel.

2. Chaque personne est responsable de ce qu’elle affirme. Cette responsabilité n’est pas seulement juridique. Elle est aussi éthique. Il y a une éthique du débat.

3. La critique de l’art – des oeuvres et des manifestations culturelles – est nécessaire et même essentielle dans une société démocratique. Elle permet l’échange et la construction du jugement dans la confrontation des points de vue. La critique est citoyenne et chaque personne, dans cet exercice, est à la fois autonome et l’égale de l’autre.

4. Avant de critiquer une oeuvre, il faut en prendreconnaissance dans son intégralité, et, si elle est diffusée ou exposée, se rendre sur le lieu de la diffusion ou de l’exposition et apprécier par soi-même ce qui est proposé. On ne peut formuler un jugement recevable sur une oeuvre ou une exposition qu’après en avoir pris connaissance.

5. Tout propos critique tenu sur une oeuvre ou une exposition sans l’avoir vue ou lue répond donc à d’autres objectifs que la critique.

6. Le rôle des institutions culturelles est d’accompagner la rencontre avec les oeuvres et la vie culturelle dans son présent et son histoire par différents moyens : l’information est délivrée au public, soit directement par des écrits ou des textes parlés, soit plus indirectement par la mise en scène de l’exposition qui guide la découverte des oeuvres ou des documents présentés, les contextualise et propose un parcours que le public est libre de suivre.

7. Tout ce qui est exposé dans un lieu d’art n’est pas nécessairement de l’art. On peut y trouver des documents, sous diverses formes, qui éclairent une époque, des initiatives, des projets collectifs, des pans de l’histoire.

8. Tout ce qui est proposé au public dans un lieu d’art n’est pas nécessairement proposé à leur approbation. La représentation ou l’exposition n’est pas en soi une apologie. Montrer n’est pas en soi faire de la propagande.

9. Il existe un art de la propagande. Il est essentiel de pouvoir l’identifier pour ce qu’il est, malgré les charmes qu’il déploie à séduire pour convaincre. Le rôle des institutions culturelles est d’aider le public dans sa compréhension de ce qui lui est montré.

10. Propager des rumeurs sur une oeuvre ou une exposition sans l’avoir vue relève de la désinformation.

11. Propager des rumeurs sur une oeuvre ou une exposition pour des raisons militantes ou politiques, en lui faisant dire ce qu’elle ne dit pas, relève de la propagande et non du débat.

12. La loi du 7 juillet 2016 a proclamé trois libertés. Deux sont devenues des libertés fondamentales : la liberté de création et de diffusion des oeuvres. La troisième, la liberté de programmation, doit être garantie par l’État et les collectivités territoriales : « Dans l’exercice de leurs compétences, l’Etat, les collectivités territoriales et leurs groupements ainsi que leurs établissements publics veillent au respect de la liberté de programmation artistique. » (article 3).

13. L’Observatoire de la liberté de création (OLC) ainsi que les personnalités et organisations qui le rejoignent dans ce Manifeste affirment qu’il est essentiel, dans un pays démocratique, de respecter la liberté de programmation. Les institutions culturelles ne doivent pas subir de pressions de la part d’élus, de groupes ou d’individus quels qu’ils soient.

14. Le débat doit remplacer les pressions et les dénonciations publiques fondées sur des rumeurs.

15. La critique, libre et légitime, de la programmation d’une institution doit être de bonne foi, en toute connaissance de cause, et ne pas biaiser le débat public aux fins de menacer la liberté de programmation.